Dans mon travail les références à la mythologie féminine sont nombreuses et soulignent autant mon intérêt pour l'histoire des origines que pour la puissance symbolique des sujets féminins. Chacune s'incarne dans une architecture dont il ne reste souvent qu'un fragment de mur ou de sol.
Sur ces fragments se sont déposés sel, sable, algue et coquillages comme si la mer avait laissé ses propres sédiments puis s'était retirée. Mon intérêt pour la psychanalyse rejoint ici la construction de mes sculptures : l'inconscient océanique se développe à travers les couches et les strates de matières. Le livre Thalassa écrit par Sándor Ferenczi a été un texte déclencheur pour ma pratique. Ferenczi développe l’idée selon laquelle dans notre corps et notre psychisme sont conservées des traces mémorielles de nos origines océaniques.
De ces fragments d'architecture émergent des coquillages dont les couleurs et les formes contrastent avec la rudesse des assemblages. Ces coquillages introduisent une complexité organique dans l’évidence géométrique des blocs monolithes. Leurs formes creuses et saillantes créent des analogies visuelles et tactiles avec le corps. Ce sont comme les traces d’un ancien alphabet du désir qui semble vouloir nous parler à travers l’apparition de ces coquilles vides.
Alors que les coquilles sont de véritables constructions de calcaire, les blocs architecturés sont de simples morceaux de polystyrène recouverts par un mélange à base de paraffine. Le polystyrène sert de structure porteuse et la surface apporte lourdeur et pesanteur à la sculpture. Les blocs de minéraux paraissent massifs alors qu’ils ne sont qu’apparence. "Superficiels, par profondeur" était une formule utilisée par Nietzsche pour décrire le caractère dionysiaque des Grecs, mais je trouve qu'elle pourrait s'appliquer à ma pratique, au sens où c'est la surface qui apporte une profondeur symbolique à la sculpture.